Philippe Hartz, la mer dans le sang

En 2021 Philippe Hartz a été de toutes les courses, infatigable navigateur, battant et optimiste. Après 17 ans de service au sein de la Marine nationale, il choisit de se consacrer entièrement à la voile, portrait d’un skipper engagé.

Comme un poisson dans l’eau

J’ai grandi à Nantes et c’est tout naturellement que j’y ai commencé la voile. J’ai compris que j’étais fait pour passer du temps sur l’eau lorsque j’ai tiré mon premier bord en Optimist. On m’avait expliqué que la barre était l’équivalent du volant de la voiture et l’écoute celui de l’accélérateur… Je n’ai plus jamais décroché !


La passion a grandi en moi jusqu’à commencer la compétition : Optimist, 420 (avec un titre de champion de France et un titre de champion d’Europe en 2000), 470, Tour de France à la voile, entraîneur, etc. Je me suis rendu compte que mon destin était lié à la mer pendant mon année de terminale, en sport-études voile à La Baule. Mais je sentais que j’avais besoin de vivre une autre aventure, et à l’âge de rentrer dans le monde professionnel, j’ai pris la décision de m’engager dans la Marine nationale.

Une vie au rythme des vagues

En devenant commando marine il y a 17 ans, une petite voix me disait que je retournerai vers la voile de compétition. Je ne pensais pas que ça serait si tard ! J’étais un bon voileux lorsque j’ai rejoint l’équipage de la Marine nationale. A son service, je suis devenu un bon marin. J’ai décidé de mettre cette expérience à profit pour vivre mon rêve et devenir skipper professionnel en janvier 2021.

Cette année, j’avais choisi de m’aligner sur le maximum de courses. Je désirais apprendre tout ce que je pouvais en vue de la mythique Solitaire du Figaro en septembre, épreuve phare du circuit. J’ai donc participé à la Solo Maître Coq en mars, à la Sardinha Cup en avril, au Tour de Bretagne et la Solo Guy Cotten en juillet.

Une préparation intense

La priorité d’un skipper, avant d’être un athlète sur l’eau, est de trouver quels sont les partenaires financiers qui embarqueront avec lui. Je n’avais pas mesuré jusque-là à quel point il peut y avoir de l’engouement autour d’une aventure sportive comme la mienne. L’écho généré en interne au sein de la Marine nationale comme chez mes sponsors ou au sein de la Fondation de la Mer m’a fait chaud au cœur. 

Mon préparateur Jimmy Le Baut était entraîneur dans mon club de voile lors de mes débuts en Optimist il y a 30 ans. Quand je lui ai demandé s’il embarquerait avec moi il y si je me lançais dans les courses au large, il n’a pas hésité !

Jimmy Le Baut et Philippe Hartz

Une aventure qui se vit à deux

La vie d’un skipper professionnel lui impose souvent de changer de costume pour passer de celui de chef d’entreprise à commercial, mécanicien, community manager et sportif quand il lui reste du temps. 

J’étais complètement débordé en février, entre la recherche de sponsors et celle d’un bateau, quand Emilie, ma femme, a accepté de monter à bord de mon projet. Elle a alors endossé le rôle de community manager pour les réseaux sociaux et de logisticienne. Oui, la mise en forme « fun » de mes posts, ce n’est pas moi ! Tout cela en plus de gérer la maison et au passage notre déménagement (les femmes de militaires sont solides !). 

“Soit je gagne, soit j’apprends”

Je crois que le moment le plus difficile de ma saison s’est joué autour de Ouessant, lors de la fin de la 4e étape de la Solitaire du Figaro. Alors que j’avais réussit à pointer en 2e position au début de cette étape, j’ai eu l’inconscience de m’écarter de la flotte, sans être serein sur mon schéma météo. Lorsque nous nous sommes retrouvés « empétolés » entre bizuths aux abords d’Ouessant, avec 83 Mn de retard le soir, je me suis dit que ça allait faire très mal au classement général… 

Ces 24h ont été les plus difficiles pour moi cette année, bien au-delà des nuits blanches à rédiger des présentations powerpoint ou à se faire rincer jusqu’aux os sous la pluie et les vagues.  Mais je me rassure en citant Nelson Mandela: “Je ne perds jamais! Soit je gagne, soit j’apprends..”

Un skipper heureux malgré les difficultés

Heureusement, il y a beaucoup de moments de bonheur dans un projet comme le mien. A commencer par les visites parfois très fréquentes et magiques des dauphins que l’on entend chanter à travers la coque. 

Les moments d’arrivée à terre sont forts en émotion, avec leurs cocktails d’accolades, décuplés par la fatigue. Apprendre qu’un sponsor décide de nous accompagner est aussi savouré comme une petite victoire et un moment de satisfaction. Mais partager mon quotidien et amener des gens en mer est peut-être ce que je préfère : le bonheur se lit sur le visage.. 

 Un homme de conviction

A titre personnel, j’ai toujours été sensible à la cause écologique. Probablement dois-je cela à ma mère que je voyais ramasser des plastiques dans les années 80, bien avant qu’ « Un geste pour la mer » n’existe ! 

En tant que plongeur professionnel dans la Marine pendant des années, j’ai vu les désastres de notre  société de consommation au fond de la Méditerranée. Quand les poissons ou les méduses sont pris dans un filet perdu ou quand une mouette essaie pathétiquement de manger un morceau de plastique.

Les défis de préservation qui nous attendent sont colossaux et doivent se jouer à tous les niveaux (individu, entreprise, association, élus…). Certaines actions de grandes ampleur comme le label Ocean Approved de la Fondation de la Mer sont à mettre en avant, pour que les entreprises aussi s’engagent sans attendre.