Article publié le 16/12/2019

Article rédigé par Eric Clua du CRIOBE

Des rivages certes convoités mais… inhospitaliers !

C’est un endroit inaccessible où peu d’hommes ont eu l’occasion de poser le pied... L’atoll de Clipperton émerge par 109°12’ O et 10°17’ N et doit son nom au pirate anglais éponyme qui fût lâchement abandonné sur ces rivages inhospitaliers par son équipage mutin au XVème siècle, avant que le capitaine français Michel Dubocage ne redécouvre l’endroit en 1711, un vendredi, et le dénomme « île de La Passion ». Disputé aux français par les Mexicains qui avaient pris possession de l’endroit à la fin du XIXème siècle, c’est un arbitrage international du roi d’Italie en 1931 qui confirme la souveraineté française sur cette couronne de corail (surtout) peuplée d’oiseaux et de crabes. 

Les quelques courtes périodes d’occupation par des soldats américains lors de la seconde guerre mondiale, des soldats français dans les années 60 ou encore d’une mission scientifique française en 2004 (sous la direction de Jean-Louis Etienne), n’ont guère entamée la nature profondément sauvage de cet endroit soumis à une forte influence océanique et régulièrement balayé par les ouragans. C’est sa position stratégique en plein milieu de l’océan et la richesse potentielle (notamment en thons) qui attisent les convoitises de l’homme sur ces terres émergées.

Si l’endroit semblait posséder (selon des cartes d’époque) deux passes au sein de la couronne de corail, celles-ci ont disparu à la moitié du XIXème siècle, probablement comblées par un événement cataclysmique. L’absence de ces ouvertures permettant aux bateaux un accès au lagon, à l’abris des houles océaniques, rend l’abordage de l’île difficile, voire dangereux. Le mouillage est toujours possible mais tributaire d’une météo clémente et rendu lui-aussi difficile par la chute abrupte du platier récifal autour de l’atoll. Bref, rien n’engage à une présence humaine sur ce caillou calcaire !

Un atoll loin de tout… sauf de l’influence humaine sur notre planète !

Lorsque l’on a la chance de débarquer sur cet atoll du bout du Monde, on s’attend à découvrir un paysage botanique et animalier totalement vierge, à la fois foisonnant et intact de toute influence humaine. Or c’est une vision totalement opposée qui vous saisit car, quelque soit l’endroit où vous débarquerez en fonction de la houle dominante, votre regard ne pourra se détacher des amoncellements omniprésents de déchets de plastiques, aussi variés dans leur nature que dans leurs couleurs (voir photo ci-dessus )… Ici une bouteille de plastique ayant contenu un détergent, là des roues de poussette de bébé, entre une chaussure et une tête de poupée… en passant par une porte de frigo ou une valise, quand ce ne sont pas un morceau de planche de surf ou une bouée pour enfant, ou encore du matériel liée à la pêche industrielle au large…

Une enquête rapide, notamment via les étiquettes des produits ménagers, permet d’identifier facilement l’origine de tous ces déchets, en l’occurrence l’Amérique centrale (entre Panama et Guatemala) (voir photo ci-dessous). Cette origine est cohérente avec les trajets des courants qui caractérisent cette partie du Pacifique oriental, notamment la présence d’un Courant Equatorial Nord, d’Est en Ouest, responsable de l’échouage de ces déchets sur les plages désertes de Clipperton. 

Mais si le courant joue un rôle dans cette pollution, c’est avant tout l’homme, responsable du rejet de ces produits en mer, qui en porte la vraie responsabilité.

Une pollution seulement visuelle ?

Ces déchets constituent indéniablement une pollution visuelle d’autant plus gênante qu’elle prend place dans un endroit que l’on voudrait exempt des influences maléfiques de l’homme sur la planète. La vraie question reste néanmoins de savoir si à cette pollution visuelle, ne se rajoute pas une pollution chimique à la fois du substrat composant l’atoll (et le lagon), à même d’interférer avec la biologie de la faune résidente. 

La mission scientifique Clipperton 2019, organisée par le CRIOBE (USR3278 EPHE-CNRS-UPVD) et financièrement appuyée par la Fondation de la Mer, a mis en œuvre un volet d’étude des effets potentiels de cette pollution, notamment via les micro-plastiques (provenant de la détérioration des macro-plastiques visibles) sur les oiseaux, crabes, poissons, etc. C’est l’unité scientifique EPOC de Bordeaux qui livrera sa réponse dans les mois à venir concernant cette pollution potentielle. 

En attendant, on ne peut que contempler avec un pincement au cœur la résilience de cette nature face aux agressions de l’homme, que rien ne peut mieux matérialiser que ces fous masqués ou bruns (cf photo), qui utilisent les déchets plastiques pour… faire leur nid ! (voir photo)

Copyright photos @Eric CLUA/CRIOBE

Pour en savoir plus

[1] http://clipperton.cpom.fr/

[2] http://criobe.pf/recherche/recherche-projets/clipperton-connection/