Vers un Traité international contre la pollution plastique, les négociations continuent à Nairobi

La pollution plastique est l’une des menaces majeures auxquelles fait face l’Océan. Les chiffres sont en effet alarmants : chaque seconde, 10,1 tonnes de plastique sont produites dans le monde et chaque minute, 18 tonnes de plastiques sont déversées dans l’Océan. Si rien n’est fait d’ici 2060, ce sont ainsi 290 tonnes de déchets en plastique qui seront déversées dans la nature chaque minute, dont une grande partie finira dans l’Océan. 

La pollution par les plastiques : la nécessité d’une réponse mondiale

L’Océan est le bien commun de l’humanité, la pollution plastique représente donc un enjeu universel qui demande une solution commune grâce à des décisions internationales. Une première ébauche de résolution avait été proposée en 2019, alors sans succès, notamment en raison de l’opposition de la Chine et des États-Unis. C’est donc en mars 2022, à l’occasion de la 5ème Assemblée des Nations Unies pour l’environnement (UNEA-5) à Nairobi, que la résolution intitulée « Mettre fin à la pollution plastique : vers un instrument international contraignant » a été adoptée à l’initiative du Pérou et du Rwanda. Cette résolution a établi la création d’un Comité Intergouvernemental de Négociation (INC), mobilisant 193 Etats, avec comme objectif la mise en place d’un accord final fin 2024. 

Le long chemin pour instaurer un Traité international juridiquement contraignant pour lutter contre la pollution par les plastiques

Ce Traité devrait comporter un ensemble de mesures prenant en compte le cycle de vie total des plastiques, de leur production à leur élimination. Pour parvenir à un accord final en 2024, cinq sessions de négociations ont été identifiées, dont deux se sont déjà tenues. 

La première session de négociations de ce traité international s’est ouverte sous l’égide des Nations unies le 28 novembre 2022 en Uruguay. Cette dernière a permis de poser les jalons des futures discussions, les représentants des pays ayant pu préciser leurs attentes et ambitions. Cette première séquence de négociations a également permis de révéler des positionnements qui diffèrent sur les actions à mener contre la pollution plastique.

Trois groupes ont été mis en lumière : « une coalition des Etats à haute ambition » dont les Etats africains, latino-américains et européens font partie, « une coalition des Etats qui souhaitent concentrer leurs efforts sur la gestion des déchets » et « une coalition des pays producteurs d’énergies fossiles », qui concerne essentiellement les pays du Golfe. Un enjeu réel se pose alors puisque ces derniers s’opposent à un accord qui aurait pour but de limiter la production et la consommation de plastique en tant que tel. Dans cette perspective, en 2022, la Fondation de la Mer a donc lancé la coalition européenne des Fondations lors de la Conférence de l’ONU sur l’Océan à Lisbonne et a également contribué à l’avis du Conseil Economique, Social et Environnemental dans le cadre de ce Traité. 

La seconde session de négociations s’est tenue du 29 mai au 3 juin 2023 à Paris et a permis d’identifier les éléments principaux à inscrire dans le Traité. 

La troisième session de négociations a lieu du 13 au 19 novembre à Nairobi

La INC–3, qui se tient du 13 au 19 novembre 2023 à Nairobi, a pour objectif de préciser le cadre des négociations du Traité Plastique. Cette 3e session de négociation se base sur la première version publiée début septembre 2023 par le Comité International de Négociations (INC). Si ce « projet initial » fournit un cadre solide pour les futures négociations, l’enjeu de cette prochaine session est de faire un choix entre les différentes possibilités de mesures. Comme le souligne Sabine Roux de Bézieux, présidente de la Fondation de la Mer : « la France doit maintenir son haut niveau d’ambition pour contrer les pays qui ne veulent pas entendre parler de baisse de production. On n’y arrivera pas autrement ». Si de nombreux pays ont déjà montré leur détermination à prendre des mesures décisives sur ce sujet, le caractère contraignant de ce Traité pourrait être vivement contesté par les principaux pays producteurs.

Le plastique en Afrique : urgence environnementale et appels à l’action

Le choix de Nairobi comme siège d’accueil de cette INC–3 n’est pas anodin. La directrice du PNUE a en effet déclaré que « le Kenya et le reste du continent africain auront un rôle crucial à jouer dans cet accord, notamment parce qu’il est né au Kenya mais aussi parce que c’est dans les pays africains, et dans d’autres pays en développement, que les problèmes d’injustice liés à la pollution plastique se posent ». Si les pays les plus développés sont souvent ceux qui produisent et consomment le plus de plastiques, le continent africain est celui où la consommation plastique par habitant est la plus faible. Malgré cela et des initiatives honorables mises en place (le Kenya a interdit depuis 2017 les sacs plastiques), le système de gestion des déchets s’avère souvent défaillant, la gestion de la pollution plastique demeurant donc un enjeu majeur. 

Les États africains font d’ailleurs partie du groupe de pays avec la plus haute ambition en ce qui concerne le Traité contre la pollution plastique. Ces derniers sont d’une importance considérable puisqu’ils peuvent stimuler l’ambition en partageant leurs connaissances, notamment dans le domaine de la réutilisation et la réparation des produits. Mme Andersen, à la tête du PNUE estime qu’il s’agit d’un « mode de vie et une culture qu’il faut réapprendre ailleurs, où le consumérisme « prendre-faire-utiliser-jeter » est devenu dominant ». De plus, dans toute l’Afrique, de nombreuses initiatives innovantes se sont développées, comme au Rwanda où le gouvernement a soutenu des usines locales pour qu’elles s’orientent vers la production de bambou et de matériaux à base de papier après avoir interdit les sacs en plastique à usage unique. Les gouvernements africains peuvent ainsi conduire la transformation nécessaire, au niveau national et mondial, en partageant ces pratiques et en veillant à ce que la législation favorise de nouveaux modèles d’entreprise.

D’ici fin 2024, deux autres réunions sont prévues, au Canada et en Corée du Sud. La Fondation de la Mer souhaite qu’un Traité ambitieux soit finalisé en 2025, lors de la conférence plénière.