Dans les coulisses des négociations du Traité plastique

La troisième session du Comité de négociation intergouvernemental chargé d’élaborer un traité international juridiquement contraignant sur la pollution plastique, y compris dans le milieu marin (INC-3), est prévue du 13 au 19 novembre 2023 à Nairobi.

Retour sur la deuxième session de négociations qui s’est tenue à Paris du 29 mai au 3 juin dernier.

Vendredi 2 juin 2023— Il est 18h47 au sous-sol de l’UNESCO où se sont rassemblées les délégations des 175 pays participant à la seconde session de négociations pour un Traité international contre la pollution plastique. Les organisations accréditées par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) sont également présentes. La Fondation de la Mer en fait partie.

L’enjeu est immense. On rappellera que chaque minute ce sont 15 tonnes de plastique qui sont déversées dans l’Océan, que nous produisons toujours plus de plastique (460 millions de tonnes par an aujourd’hui, ce chiffre pourrait tripler), que la moitié des plastiques sont dangereux pour la santé humaine et que seulement 9% des plastiques dans le monde sont recyclés.

Les négociations en cours sont donc essentielles. Voilà plus de trois heures que le Président du Comité intergouvernemental de négociation (CIN), Gustavo Adolfo Meza-Cuadra Velasquez, a suspendu la séance plénière pour renvoyer les délégations à une session de négociations informelles. Après une semaine difficile, l’enjeu est de taille : comment pouvons-nous avancer en prévision de la troisième session qui aura lieu en novembre, au Kenya. Les discussions en cours sont déterminantes.

Sur le grand écran de la salle XII de l’UNESCO le projet de résolution en discussion est affiché. Il est composé de trois petits articles. Les délégations prennent la parole à tour de rôle. Chaque mot, chaque virgule sont discutés. Le projet tel qu’il est maintenant rédigé semble enfin faire consensus.

REUTERS/Stephanie Lecocq

Cette question du consensus final ou de la possibilité de recourir à un vote à la majorité des deux tiers aura mobilisé tous les débats des trois premiers jours, nous interdisant de parler du fond avant mercredi soir. « Nous aurions dû faire un évènement en ligne et ne pas prendre l’avion si les discussions doivent se limiter aux règles de procédure » s’étranglait mercredi le représentant du Sénégal. Mais le travail, remarquablement mené, jusqu’à tard le soir, au sein des groupes de contact a permis de rattraper le retard accumulé : l’ensemble du document préparé par le PNUE a pu être examiné et discuté. Il doit servir de trame pour la rédaction d’une première version de Traité.

Le projet de résolution projeté semble faire consensus. Il prévoit de donner mandat au Président du CIN pour rédiger un zero-draft de Traité. Chaque pays et les organisations accréditées pourront y contribuer.  Mais voilà l’Arabie Saoudite qui demande à nouveau la parole. “Ce n’est pas possible” s’étrangle Camila Zepeda, la négociatrice mexicaine. Elle aura marqué cette semaine par son opiniâtreté exceptionnelle.

La situation est bloquée. Le paragraphe 3 ne convient pas à l’Arabie Saoudite. “Alors on recule” s’exaspère la co-présidente française. Au cours de cette semaine, deux blocs distincts se sont formés, avec d’un côté les pays producteurs de pétrole qui ne veulent pas d’un Traité ambitieux, et de l’autre côté les 58 pays membres de la Coalition de Haute Ambition pour mettre fin à la pollution plastique.

Finalement, une nouvelle rédaction du premier paragraphe, proposée par les Etats-Unis, débloque la situation. Un tonnerre d’applaudissements. Le Président nous attend dans la salle plénière. L’émotion est palpable. Finalement, on aura tout de même avancé durant cette semaine à Paris. Les délégations courent rejoindre la grande salle au rez de chaussée de l’UNESCO.

Le Président ouvre la séance. Il prend acte du projet de résolution et le soumet à l’Assemblée plénière pour adoption. Personne ne demande la parole. « Il en est ainsi décidé » : le marteau est frappé. Les applaudissements reprennent. Mais voilà encore l’Arabie Saoudite qui demande la parole. Le Président soupire. Consternation dans la salle. Finalement, après une question technique, le représentant de l’Arabie Saoudite conclue : « nous avons hâte de poursuivre nos travaux de manière constructive », suscitant l’hilarité générale des négociateurs.

Après avoir épuisé l’ordre du jour de cette seconde session de négociations, le Président clôt les débats, en français, en citant Victor Hugo :

« C’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas. »

Écoutons. Agissons.