Canicule Marine, une catastrophe silencieuse

La vague de chaleur qui touche actuellement l’hémisphère nord ne laisse pas l’Océan de côté. L’urgence n’est pas seulement à terre mais aussi et surtout en mer. Comme le souligne Françoise Gaill : “l’Océan est au cœur de la machine climatique, il est le régulateur du climat”. Durant l’été 2022, la France a subi 33 jours de canicule, un record absolu. Mais ce n’est rien comparé à ce qui s’est passé sous l’eau et à ce que nous vivons aujourd’hui. 

Les canicules marines, une situation de plus en plus fréquente

Les vagues de chaleur océaniques sont des épisodes inhabituels d’augmentation des températures de surface de la mer. Si, pendant plus de cinq jours, la température de surface en mer est plus élevée que la moyenne, on parle alors d’une canicule marine. Ces vagues de chaleur peuvent durer des semaines, des mois, voire des années et se produire en été comme en hiver, sur toute la colonne d’eau – de la surface aux profondeurs.

Depuis le mois dernier, la température à la surface de l’océan Atlantique Nord est anormalement élevée, tout particulièrement autour de l’Irlande et du Royaume-Uni. Par endroits, la température est jusqu’à 5 °C supérieure à la température moyenne constatée de 1971 à 2000.

Des canicules marines présentes dans le monde entier

Les canicules marines sont d’immenses poches d’eau surchauffées qui stagnent sur un écosystème et peuvent entraîner la mort de nombreuses espèces marines, surtout celles qui ne peuvent s’échapper. Par ailleurs, lorsque l’eau se réchauffe, la quantité d’oxygène dissous diminue jusqu’à engendrer des mortalités massives de poissons. 

« La vague de chaleur océanique qui a duré plus de 3 ans, au large de  l’Alaska, est connue sous le nom de « blob » Les températures anormalement chaudes mesurées lors du « blob » s’étendaient jusqu’à 1000 m sous la surface, et ce réchauffement de l’eau en profondeur a même perduré jusqu’en 2017 – soit bien après le retour à la normale des températures de surface. » Chaque cas de figure est différent, relève Robert Schlegel, ingénieur de recherche à la Sorbonne et spécialiste du sujet. Une chose est cependant certaine : avec le réchauffement climatique, les vagues de chaleur océaniques deviennent  « plus fréquentes, plus longues, et plus intenses ».

Des canicules aux conséquences dévastatrices

David Diaz, chercheur à l’Institut Espagnol d’Océanographie, compare les vagues de chaleur à des incendies sous-marins, avec la destruction de la flore et de la faune, brûlées comme dans une forêt terrestre.

Trois écosystèmes marins sont particulièrement vulnérables aux canicules marines : les herbiers marins, comparable à de vastes prairies, les récifs coralliens, ces constructions animales qui abritent plus d’un tiers de la vie marine dans les zones tropicales, et les forêts de laminaires, composées de grandes algues brunes que l’on trouve en eaux tempérées ou froides. L’année dernière, 90% des gorgones rouges de Méditerranée, vivant entre 10 et 30 mètres de profondeur, ont été décimées. Les gorgones rouges forment un écosystème exceptionnel emblématique de la Méditerranée, constituant de vraies  forêts animales. Leur destruction entraîne la mortalité d’un grand nombre d’espèces associées. 

Une autre conséquence du réchauffement progressif de l’eau est la migration d’espèces et la prolifération d’espèces exotiques envahissantes. La mer Méditerranée est en train de se tropicaliser. Les espèces lessepsiennes (qui proviennent de la mer Rouge à travers le canal de Suez, construit par Ferdinand de Lesseps dans les années 1870) déjà présentes dans la Méditerranée orientale, sont de plus en plus présentes dans le nord. Ces nouvelles espèces s’installent et créent des dysfonctionnement des chaînes alimentaires. C’est la cas du poisson-lapin, herbivore vorace, qui entre en compétition avec les espèces méditerranéennes locales comme les saupes.

Avec la Fondation de la Mer, œuvrons pour protéger ces espèces marines qui stabilisent notre écosystème. Votre don peut faire la différence et aidera à soutenir des programmes de restauration d’herbiers de posidonie.