Les Tuvalu, un bout du monde menacé de disparition

Tuvalu est un archipel de 26 kilomètres carrés situé dans l’ouest de l’océan Pacifique Sud, constitué de neuf atolls coralliens, tous habités. Le petit archipel et sa population de 11 000 habitants font partie des nations les plus menacées par le changement climatique et la montée des eaux. Deux de ses neuf atolls ont déjà été largement submergés et des spécialistes estiment que Tuvalu sera complètement inhabitable d’ici moins d’un siècle.

Rencontre avec Gilliane Le Gallic, fondatrice de l’association Alofa Tuvalu 

Gilliane Le Gallic est journaliste, réalisatrice et productrice. “Pour réaliser l’un de mes derniers films, Nuage au Paradis, je me suis rendue à Tuvalu en 2003 pour faire prendre conscience au monde que ces îles étaient un symbole de ce qui risquait de nous arriver. Une fois le film terminé et diffusé en 2004, j’ai réalisé que je devais essayer d’aider les habitants autrement, sur le long terme. En 2005, nous avons créé l’association Alofa Tuvalu.” Cette dernière participe à la sensibilisation aux problèmes climatiques en prenant Tuvalu, première nation menacée de submersion en raison des changements climatiques, comme symbole. 

Les Tuvalu, au premier-plan du changement climatique

Selon une étude récente de la Plateforme Océan et Climat, Funafuti, atoll-capitale de Tuvalu, a une élévation moyenne de 0,5 mètre au-dessus des marées hautes normales de printemps, ce qui la rend particulièrement vulnérable à l’élévation du niveau de la mer. 46% de la zone centrale construite de Fogafale, le plus grand îlot de la capitale Funafuti, se trouve déjà sous le niveau de la mer. Gilianne Le Gallic l’a constaté : “Même si je me suis rendue aux Tuvalu il y a quelques années, la situation était déjà très “anormale”. Depuis les années 1990, lors des grandes marées de printemps, une partie du territoire était submergée. La plus grande inondation a eu lieu en 2007. L’île principale était entièrement sous l’eau, les habitants se déplaçaient avec des bateaux gonflables, les enfants jouaient au foot dans l’eau. Certains habitants avaient de l’eau jusqu’aux cuisses.” 

La journaliste s’est rendue à Tuvalu près de six mois par an pendant dix ans et sait que : “les vagues peuvent également totalement traverser l’île principale qui fait au maximum 450 mètres de large.” 

Les habitants de Tuvalu vont devenir les premiers réfugiés climatiques au monde

En 2023, par le biais de l’”Union Falepili”, l’Australie a déclaré accorder l’asile climatique aux habitants des Tuvalu. Une première mondiale quand on sait que le statut de “réfugié climatique” n’est pas internationalement reconnu.

Je pense que c’est une bonne initiative, réagit Gilliane le Gallic, cette décision est plus adaptée qu’il y a dix ou quinze ans, lorsque les Tuvaluans avaient demandé “l’asile climatique” et que l’Australie avait refusé, proposant à l’inverse d’envoyer leurs prisonniers dans ces îles. En revanche, en prenant connaissance du document complet, j’ai constaté que le nombre de personnes autorisées était d’une centaine par an.” Pour éviter une “fuite de cerveaux”, les autorités du Tuvalu ont en effet fixé une limite : le nombre d’entrées en Australie sera limité à 280 par an dans un premier temps. “De même, il ne faut pas oublier que cet accord n’est toujours pas signé. Je pense donc qu’il vaut mieux essayer de trouver des solutions en amont, même si cela est très difficile.

Les objectifs du pacte signé avec le gouvernement australien sont clairs : permettre aux citoyens de l’archipel des Tuvalu de se réfugier en Australie pour « y vivre, y étudier et y travailler ».

Des solutions mises en place pour lutter face aux conséquences du changement climatique

Victimes d’une pollution dont elles ne sont pas responsables, les nations représentées à la COP28 par l’Aosis (Alliance of small island states, l’alliance des petits États insulaires) doivent urgemment mettre en place des plans d’action de plusieurs milliards de dollars. “De nombreuses idées ont été développées, témoigne Gilliane le Gallic, d’abord des digues mais le relief le plus haut des Tuvalu est de trois mètres. Quelques constructions ont également été faites sur pilotis. Ils ont aussi rallongé certaines plages, mais là-aussi ce n’est que temporaire et ce n’est pas vraiment efficace.

Une autre solution-refuge a été envisagée : l’île de Kioa aux Fidji. “Après la deuxième guerre mondiale, les habitants d’une île de l’archipel, Vaitupu, ont acheté une île en hauteur aux Fidji, nous rappelle Gilliane Le Gallic. Même si cette mesure pourrait être une solution, il faut parvenir à trouver des espaces qui correspondent à leur mode de vie, ce qui n’est pas toujours évident. Il faut également avoir conscience que beaucoup ne veulent pas quitter leur île et préfèrent mourir là-bas plutôt que de déménager et laisser leurs ancêtres.”

Pour alerter la communauté internationale de la disparition imminente de son archipel, le ministre de la Justice, de la Communication et des Affaires étrangères de Tuvalu, Simon Kofe, ne s’était pas rendu à la conférence des Nations unies sur le changement climatique, la COP26, organisée en novembre 2021 à Glasgow. A la place, il avait prononcé une célèbre allocution enregistrée les pieds dans l’eau. « A Tuvalu, nous vivons la réalité du climat et de l’élévation du niveau de la mer (…). Nous ne pouvons pas attendre les discours alors que la mer monte autour de nous« , expliquait-il.

Simon Kofe a déclaré : “Notre pays disparaît, et nous voilà contraints de devenir la première nation numérique du monde.” Une solution inédite pour sauvegarder un patrimoine immatériel. Pour Gilliane Le Gallic : “cette mesure est une dernière option dont l’objectif est de ne pas “tout perdre”. La culture et les valeurs des Tuvalu pourraient être ainsi inscrites dans une réplique virtuelle qui immortaliserait ces îles pour les générations futures.” Le gouvernement Tuvalu prévoit donc de « transférer dans le cloud l’accès aux services gouvernementaux, consulaires, et à tous les systèmes administratifs qui y sont liés », détaille le Guardian.

Les mots qui accueillent les visiteurs sur le site de Tuvalu sont éloquents et sonnent comme un appel : “En recréant sa terre, en archivant sa culture et en numérisant son gouvernement, Tuvalu peut exister en tant que nation même lorsque sa terre aura disparu. Notre migration numérique a commencé. SAUVEZ TUVALU. SAUVEZ LE MONDE.”