L’or jaune de l’Océan menacé de disparition

Ceci n’est pas une histoire de marchand de sable…

En 2019, un couple de français a été interpellé en Italie pour avoir volé 40 kg de sable blanc. Le sable étant considéré comme un bien commun, le couple risquait jusqu’à six ans de prison. En France, pour ce type d’infractions, les amendes peuvent grimper jusqu’à 1 500 euros. Le sable de nos plages est protégé par le Code de l’environnement, car il est menacé de disparition, un constat souligné par l’ONU dans un rapport qui vient de paraître.

Le 5 septembre dernier, l’ONU a dévoilé pour la première fois un chiffre alarmant : chaque année, au moins 6 milliards de tonnes de sable sont extraites des océans. Ce qui équivaut à plus d’un million de camions remplis de sable chaque jour. Ces données ont été établies par le Programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE) grâce à un système de surveillance des navires associés à l’intelligence artificielle.

Mais pourquoi tout ce sable est-il prélevé et quels dégâts résultent de son exploitation ? Or jaune convoité par les industriels, le sable serait-il en train de disparaître ?

Le sable : la troisième ressource la plus utilisée après l’air et l’eau 

Le sable, élément apparemment banal et abondant sur nos plages, est en réalité la troisième ressource la plus utilisée au monde devant le pétrole. Bien que d’apparence négligeable, le sable des océans joue un rôle essentiel dans notre écosystème marin, notre économie et même notre qualité de vie. 

Il est l’habitat de nombreux animaux marins, vers, crabes, coquillages… et l’endroit où viennent pondre les tortues marines et quelques oiseaux de mer. C’est aussi sur le sable que se développent les herbiers marins, oasis de vie où se retrouvent de nombreuses espèces marines, pour se nourrir, se cacher ou se reproduire.

Le sable joue également un rôle protecteur face à l’élévation de la mer et aux évènements extrêmes. Ce qui n’a pas empêché Singapour de s’étendre de 20 % en 40 ans, grâce à du sable importé du Cambodge, d’Indonésie, de Malaisie et de Thaïlande. Selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), Singapour a importé 517 millions de tonnes de sable ces 20 dernières années. L’utilisation intensive de sable a fragilisé le littoral singapourien, le rendant plus sensible à l’érosion côtière, aux vagues engendrées par des tsunamis et plus généralement à la montée des eaux, en lien avec le changement climatique. À la suite de cette extension, l’Indonésie a vu disparaître de son territoire vingt-cinq petites îles, dont sept à proximité de Bornéo. 

Le sable est partout : dans l’asphalte, le verre, l’électronique, le béton et joue un rôle économique majeur. Le secteur qui consomme le plus de sable est la construction : associé au ciment il produit le béton, matériau « miracle » qui a complètement révolutionné nos sociétés. En effet, selon Cyrille Simonnet, directeur de l’institut d’architecture de l’Université de Genève, sur Terre : « les deux tiers de ce qui est construit est en béton armé, le béton armé est constitué lui-même de deux tiers de sable ». Pour construire une maison de taille moyenne, il faut environ 200 tonnes de sable.

La ruée vers le sable, une surexploitation mondiale

Contrairement au couple de français récoltant, sur une plage, le sable à la main, les industriels utilisent des navires, appelés sabliers, pour extraire le sable en pleine mer. Le sablier possède un tube d’aspirateur, qui pompe les granulats marins (sable et débris de coquilles) jusqu’à 40 mètres de profondeur. Les pays disposant des plus grandes flottes de navires extracteurs sont la Chine, les Pays-Bas, les États-Unis et la Belgique. 

En France, trois producteurs de sable industriel se partagent le marché. L’extraction est encadrée et doit se faire dans le respect de l’environnement. La production française s’élève à  7 millions de tonnes annuel. Mais la ressource se raréfie et le prix augmente, donnant lieu à des trafics mondiaux.

L’Inde, malgré la mise en place de réglementations nationales, est connue pour extraire illégalement du sable, afin de répondre à la forte demande de matériaux de construction. Entre 2000 et 2013, dix millions de tonnes de sable auraient ainsi été exploitées illégalement. “La mafia du sable” opère principalement en exploitant des carrières de sable de manière illégale ou en creusant le lit des rivières, à l’aide de faux permis et souvent dans des zones protégées. En Inde, la société V.V. Mineral, connu pour son monopole d’exploitation minérale, est sous le joug de nombreuses accusations. Sujet sensible, quatre journalistes qui enquêtaient sur le trafic de sable en Inde sont morts dans des conditions troubles. 

Protégeons nos châteaux de sable 

Des alternatives durables à l’utilisation du sable, telles que le recyclage des déchets de construction et l’utilisation de matériaux alternatifs, doivent être envisagées pour réduire la dépendance à l’égard de l’extraction de sable marin. Plusieurs pays ont déjà expérimenté les routes construites en plastique composite et la première piste cyclable entièrement construite en plastique recyclé a été ouverte à Zwolle, aux Pays-Bas, en septembre 2018. 

Des dizaines voire des centaines de milliers d’années sont nécessaires pour que les roches granitiques ou les déchets coquilliers se transforment en sable. Alors que les ressources en sable s’amenuisent, la demande pourrait encore croître de 45 % d’ici à 2060.

Grâce aux travaux des experts du PNUE, il va être plus facile de surveiller cette ressource, la troisième la plus exploitée au monde. En analysant les données émises par les systèmes de sécurité des navires (AIS pour Automatic Identification System) et en les liant à un programme d’intelligence artificielle, le programme du PNUE Marine Sand Watch va permettre de mieux cerner l’activité extractive du sable en mer.