L’ambition au service de l’Océan

Entretien exclusif avec Simon Bernard, fondateur de Plastic Odyssey, une expédition de 3 ans autour du monde, dans les zones les plus touchées par la pollution plastique. Pour réaliser son credo “Clean up the past, build the future”, l’équipage va proposer des solutions concrètes pour lutter contre cette pollution, créer un réseau d’entrepreneurs et sensibiliser les populations durant les escales.

Un bateau nommé désir

Dans le port de Marseille, sa coque portant en elle tout le bleu de la mer, le Plastic Odyssey est enfin amarré. L’ancien navire de recherche océanique a en effet connu plusieurs années de travaux et les ports de Dunkerque et Saint-Nazaire avant de rejoindre le sud de la France. Sous le MUCEM, le bateau et son équipage attendaient impatiemment le 1er octobre pour s’élancer autour du monde, cap sur la mer Méditerranée. Après Marseille, le bateau prendra la direction de Beyrouth, Alexandrie, Tunis, Alger et Rabat.

Le Plastic Odyssey amarré devant le MUCEM avant son départ – Crédit : Fondation de la Mer

Mais pour Simon Bernard, jeune ingénieur-officier de la marine marchande, tout n’est pas gagné. “Il faut rester concentré pour que tout se passe bien, trouver les derniers sponsors. Il nous manque 20% du budget global sur 3 ans. On est tous hyper motivés, on fait de grandes choses avec très peu.” Et quand on l’interroge sur le programme des prochaines années et qu’on constate ce qui a déjà été réalisé, on ne peut lui donner tort ! 

Le tour du monde des solutions pour protéger l’Océan

Lorsque l’on demande à Simon Bernard de décrire l’expédition Plastic Odyssey en quelques mots, il prend son temps. Puis, comme une évidence les mots viennent : “recyclage, entrepreneuriat social, réduction du plastique, initiatives locales, bottom up, actions concrètes.”

Autant de thèmes-clés autour desquels les deux axes forts de l’expédition prennent vie : Clean up the past : transformer les déchets actuels en ressources, former des entrepreneurs et créer des micro-usines et Build the future : sensibiliser les consommateurs pour réduire leur consommation de plastique à la source. « C’est un peu compliqué, sourit Simon Bernard, mais le problème du plastique n’est pas simple ».

Simon Bernard – Crédit : Plastic Odyssey Community

Clean up the past : Développer l’entrepreneuriat local du recyclage pour créer des emplois

La première phase de l’expédition se déroule en trois étapes qui visent toutes le même objectif : implanter des micro-usines dans différents pays, pour éviter que le plastique arrive dans l’eau.

La première étape c’est la “PO recycling Academy”. Un programme de formation en ligne pour ceux dont le métier sera de recycler du plastique. “Aujourd’hui nous avons proposé une formation à l’Afrique francophone, mais à terme ça sera une plateforme accessible en permanence par des entrepreneurs du monde entier. Il y aura des outils pour tous ceux qui veulent se lancer mais ne savent pas trop comment.”

La deuxième étape se passe à bord lors des escales, c’est le “PO onboard Lab”. “On va accueillir certains entrepreneurs pendant deux semaines, on va les former aux techniques de recyclage, à l’entreprenariat et surtout on va les connecter comme dans un incubateur de start-up : avec des investisseurs locaux, des mentors, et des clients potentiels, pour leur donner toutes les chances de réussir.” Un pari ambitieux !

Tom Bébien, responsable recyclage sur le Plastic Odyssey – Crédit : Plastic Odyssey

La troisième et dernière étape a lieu à terre. Il s’agit de l’installation de micro-usines. Cette année, 5 micro-usines vont être installées ou le sont déjà en Guinée Conakry, Togo, Cameroun et Ouganda. Ces micro-usines sont en fait des usines “clés en main” construites  à l’intérieur de conteneurs maritimes. Les mots d’ordre sont impact, rentabilité et autonomie. “L’entrepreneur ouvre les portes, il appuie sur le bouton, il lance son usine.” Mais le projet génial et novateur ne s’arrête pas ici : “A terme, l’idée serait d’avoir un programme de formation avec l’usine. On imagine même mettre des tablettes assez low tech, robustes, avec tout le contenu de formation accessible hors ligne dans le conteneur. Comment utiliser une machine, comment faire la maintenance, comment vendre ses produits…” Quand Simon Bernard rêve, il rêve grand et sur le long terme.

Build the future : impliquer les citoyens pour construire un avenir sans plastique dans la nature

La deuxième phase de l’expédition à lieu à terre , pour donner à chacun les moyens d’agir et de réduire leur usage du plastique. Les visiteurs peuvent se retrouver dans le “village Plastic Odyssey”, un espace mobile présent lors des escales pour partager des connaissances et des outils d’action avec ceux qui en sont le plus éloignés. Simon Bernard ajoute : “nous avons aussi réalisé en partenariat avec la Fondation de la Mer : “Code Océan”, une plateforme pédagogique gratuite, accessible à tous pour permettre aux jeunes de devenir explorateurs de la pollution plastique.”

Plastic Odyssey, le choix d’une “ambition à la hauteur des problèmes”

Comment Simon Bernard et son équipe ont-ils osé se lancer dans l’aventure de Plastic Odyssey ? Le travail semble sans fin lorsqu’il s’agit de s’attaquer à la pollution plastique. “Il faut commencer petit et faire ses preuves. C’est ce que nous avons fait. On a passé trois ans à construire un petit catamaran, à faire des petites machines. Et une fois qu’on a réalisé cette première étape, on a pu passer à la suivante : plus ambitieuse, plus audacieuse et plus dure mais avec moins de risque pour les gens qui nous soutenaient.”

“Ce qui fait qu’un projet marche c’est la persévérance, ne rien lâcher, il faut avoir envie de le faire et être têtu.” Souhaitons donc à Simon Bernard et à tout l’équipage du Plastic Odyssey la persévérance pour mener à bien leur expédition !

Crédit : Studio Krack