La place de l’Océan à la COP28

“L’ère de l’ébullition mondiale a commencé” 

Ces mots du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, lors de la COP 26 sont plus que jamais d’actualité. Alors que Rio vient d’enregistrer un record de chaleur avec une température ressentie de 58,5°C, la 28e réunion annuelle des Nations Unies sur le climat (COP 28) démarre à Dubaï le 30 novembre 2023.

La COP, ou Conférences des Parties, est un sommet qui réunit chaque année les Etats signataires de la convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique. Les 197 Etats signataires ont pour but de trouver des solutions pour ralentir le changement climatique. Depuis 1988, elle est également épaulée par les analyses et recherches du GIEC :  le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’évolution du Climat. Avec la COP 21 et les Accords de Paris de 2015, le but de la COP est de maintenir le réchauffement planétaire sous la limite des 2 °C et si possible 1,5 °C, par rapport à l’ère préindustrielle.

Une COP28 qui divise

Le choix de Dubaï comme pays hôte de la COP 28 et celui de son président Sultan Al-Jaber, ministre émirati de l’Industrie et chef du géant pétrolier Adnoc (Abu Dhabi National Oil Company), suscitent de nombreuses controverses. Cependant, différents auteurs appellent à relativiser l’importance de Dubaï comme facteur influent des discussions de la COP 28. « Il fixe l’agenda des discussions. Mais c’est un peu comme un arbitre dans un match de football : il peut parfois influencer le résultat mais ce n’est pas lui qui met les buts. Il ne faut pas surestimer le rôle du président » a déclaré François Gemenne, co-auteur du sixième rapport du GIEC et géopolitologue du climat.

Ainsi, le fait de tenir une COP dans un pays qui dépend des hydrocarbures ne présage pas de son échec. Michel Taube, écrivain et éditorialiste, ajoute ainsi que le réchauffement climatique est aussi, mais surtout, l’affaire des pollueurs, et que si l’objectif est de sortir des énergies fossiles, il va falloir le faire en incluant les pays dont les économies dépendent largement de ces énergies. 

Avec plus de 70 000 participants attendus, certains se montrent en outre inquiets de la présence massive du secteur privé et des industries à la COP28, et se méfient de leur influence sur les négociations. Sultan Al-Jaber a affirmé lors d’un entretien à l’AFP : “Tout le monde doit faire partie du processus, tout le monde doit assumer ses responsabilités et rendre des comptes. Cela inclut toutes les industries, notamment les industries très émettrices comme l’aviation, les transports, l’aluminium, le ciment, l’acier ainsi que l’industrie pétrolière et gazière. Tout le monde doit être consulté, tous doivent avoir l’opportunité de contribuer, et tous doivent être tenus responsables et rendre des comptes.

Pas de lutte possible contre le changement climatique sans mettre l’Océan au cœur des discussions

La COP28 signe l’heure du premier Bilan Mondial depuis les Accords de Paris de la COP21, dont les objectifs étaient de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre l’action menée pour limiter l’augmentation de la température à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels. Le Bilan Mondial prend en considération des informations dans trois domaines thématiques : l’adaptation, l’atténuation, les moyens de mise en œuvre. “Nous sommes à mi-chemin entre Paris et 2030 (…), il s’agit donc d’un point d’inflexion. C’est la COP la plus importante depuis Paris. Et il est de notre responsabilité de nous assurer que nous maximisions l’ambition de la COP28” a déclaré Sultan Al-Jaber.

Pour respecter l’objectif de 1,5°, il faut avoir conscience que la machine climatique dépend de la bonne santé de l’Océan. “L’Océan est au cœur de la machine climatique, il est le régulateur du climat” souligne Françoise Gaill, océanographe et présidente d’honneur du Conseil scientifique de la Fondation de la Mer. L’Océan est un allié précieux pour la planète et notre avenir. Rappelons qu’à lui seul il recouvre les deux tiers de la planète, capte près de 90 % du surplus de chaleur lié au réchauffement de l’atmosphère et 25 % du C02 produit par les activités humaines. Il est donc essentiel de prendre en compte la bonne santé de l’Océan dans la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi de comprendre son influence sur les dérèglements climatiques que nous vivons. Ces derniers ont des conséquences directes sur notre mode de vie et vont devenir de plus en plus importantes. Dans son rapport « A New Climate for Peace », le G7 a souligné les différents risques liés à l’élévation du niveau de la mer, à la dégradation des côtes, et aux phénomènes météorologiques extrêmes, mettant ainsi en lumière le réchauffement climatique comme un enjeu intersectoriel.

Il est primordial de considérer l’Océan comme porteur de solutions pour lutter contre le changement climatique, en terme “d’adaptation et d’atténuation”, comme le montre la journée du 9 décembre, dédiée à la Nature et à l’Océan, où aura lieu l’événement “Powering Ocean Breakthroughs with 100% Sustainable Ocean Management”, organisé conjointement par la Présidence de la COP28, le Groupe d’experts de haut niveau pour une économie océanique durable, les Champions de Haut Niveau pour le Climat de l’ONU et la Plateforme Océan & Climat. A noter également la présence de l' »Ocean Pavilion » pour la deuxième fois de l’histoire des COP.

Joachim Claudet, conseiller pour l’Océan au CNRS, le souligne : “l’Océan est de plus en plus présent dans les COP et les discussions. La compréhension de son rôle dans l’évolution du climat et dans les moyens de s’y adapter s’est en effet accrue ces dernières années”. Au-delà des conclusions du Bilan Mondial, les décisions prises lors de la COP28 devront refléter cette compréhension et montrer une ambition renouvelée.

Lien vers notre article sur les canicules marines
https://www.fondationdelamer.org/quand-locean-brule-les-elements-sembrasent/

Lien vers le Pavillon de l’Océan de la COP28
https://oceanpavilion-cop.org/