La Transquadra, la mer comme horizon

Denis Lazat navigue avec Frédéric Nouel aux couleurs de la Fondation de la Mer. Arrivé en 4e position sur 40 équipages lors de la première étape de la Transquadra le 25 août 2021, il nous livre ses impressions. Portrait d’un marin passionné.

Amoureux de la mer dès son plus jeune âge

Je suis né à Paris il y a 61 ans. J’ai commencé la voile à 9 ans dans le club le plus proche de chez mes grands-parents.

Puis j’ai connu un début assez classique en Normandie, à Trouville sur Mer. J’y ai fait mes premières armes en « Caravelle » et en 420, puis les bateaux s’allongent : 445, 470. Je suis même devenu moniteur de voile, toujours en Normandie. Au fil des années mes postes me font découvrir des endroits plus exotiques : l’ Angleterre, Hong Kong, l’Australie… 

La Transat, une course mythique qui lui colle à la peau

La Transquadra est ma quatrième Transat. La première a eu lieu en 1998 à l’occasion du convoyage d’un grand catamaran vers les Antilles. La deuxième en 2009 en Class 40, lors de la course de « la solidaire du Chocolat » de Bretagne jusque dans le Yucatan, au Mexique. En double avec comme co-skipper Frédéric Nouel, avec qui je repars aujourd’hui, avec à la clé une belle 9e place. Ma troisième Transat était le convoyage de retour du bateau avec mon fils, des moments forts. 

J’aime les Transats parce qu’elles restent faisables avec des bateaux et des budgets raisonnables. Ce sont des courses à l’échelle de l’hémisphère, où on fait une vraie pause dans la vie quotidienne : pendant deux ou trois semaines, ce sont des vagues, des nuages, des dauphins, des poissons volants, des oiseaux de mer qui glissent et s’amusent à frôler les vagues. 

Pendant la Transquadra, on se mesure à d’autres amateurs comme nous, mais aussi à un océan, à des systèmes météo. Je suis un amateur au sens où l’entendait Jean-François Deniau dans « La mer est ronde » : celui qui aime. Pour moi la Transquadra est plus qu’une échappée. 

Le Fondation de la Mer au large du Portugal

Une préparation en équipe

Si nos entraînements avec Frédéric Nouel  ont été perturbés par la situation sanitaire, le report du départ de presque 18 mois nous a finalement permis de peaufiner notre préparation. Du coup je crois que le jour J nous pouvions dire que nous étions prêts et après une année et demi de confinements plus ou moins sévères, nous avions hâte de prendre le large.

Notre bateau est un JPK 10.80, sorti du chantier de Jean-Pierre Kelbert. Son nom de baptême : Karavel, un clin d’œil aux blanches caravelles dont parlait José Maria de Hérédia et qui s’en allaient conquérir l’azur phosphorescent de la mer des tropiques. Un 36 pieds bien adapté pour cette course, mis à l’eau en 2019 : suffisamment neuf pour que nous ayons complètement confiance en lui mais avec assez de miles sous la quille pour que nous ayons eu le temps de vraiment l’apprivoiser. 

Retour sur la première étape de la Transquadra

Lorient – Madère en 6 jours, 10 heures et 57 minutes. Ce qui fait de nous les 4e de cette première étape. Mais surtout le bateau qui nous précède ne finit que 7 minutes devant nous et celui qui nous talonne termine moins de 15 mn derrière nous ! Nous terminons dans un groupe de 4 bateaux qui se tiennent en moins de 25 minutes : des écarts faibles après six jours et demi de course. Comme nous naviguions à vue les uns des autres, nous n’avons pas beaucoup dormi pendant les dernières 48 heures ! 

La première nuit a été difficile car nous avons été confrontés à deux problèmes importants. D’abord une grosse bulle sans vent que nous avons cherché à contourner pour ne pas nous retrouver encalminés. Nous avons rallongé notre route pour la contourner mais notre option n’a pas été payante : les bateaux qui sont allés tout droit n’ont pas été trop ralentis et nous avons quand même passé quelques heures dans du calme plat. Résultat quand le premier classement tombe, nous pointons à la 35ème place. 

Simultanément nous avons un problème avec notre Irridium Go, l’équipement qui nous permet de communiquer, et donc de recevoir des données à bord (fichiers météo et classements des coureurs à intervalles réguliers). Pendant un moment nous avons envisagé devoir terminer l’étape « à l’ancienne », à l’aveugle, sans pouvoir communiquer ni avec la terre ni avec les autres concurrents. Frédéric, mon co-skipper, s’est attaqué au problème avec son fer à souder et finalement, après six heures de bricolage assis par terre au fond du bateau, il a réussi à le résoudre pour que nous puissions récupérer des fichiers météo. 

Nous envisageons la deuxième étape avec sérénité. Nous sommes impatients de remettre le bateau à l’eau en janvier à Madère. Impatients de nous élancer vers le soleil couchant, impatients d’en découdre à nouveau sur l’eau.

Une image forte qui reste en tête

Au matin du 6ème jour, la veille de notre arrivée, j’ai enfin pris un peu de temps pour envoyer le message suivant à l’organisation qui l’a repris sur le site internet de la course : 

La nuit dernière, c’est la pleine lune. La lune rousse qui monte alors, tend sur la flotte son voile d’or. Pour manœuvrer et régler les voiles, les frontales sont superflues : on y voit presque comme en plein jour. Soudain un groupe d’une quinzaine de dauphins passe sur notre bâbord sautant hors de l’eau dans les reflets éblouissants du satellite terrestre et y retournant aussitôt de lors plongeons tendus. Ô, temps, suspends ta course… ! Les marins qui ont eu la chance de les voir passer partagent à la VHF. Le mot qui revient le plus souvent est « magique ». Nous sommes entre la latitude de Lisbonne et celle de Tanger, villes chères à Saint Exupéry. Nous continuons notre vol de nuit.

Après 6 jours, Funchal est en vue

Un bateau aux couleurs de la Fondation de la Mer

Lorsqu’on est marin et qu’on aime la mer et la nature, la défense des océans est une cause qui s’impose !

Parmi toutes les organisations qui s’engagent pour un océan propre et en bonne santé, nous aimons l’approche résolument positive et tournée vers l’action de la Fondation. Nous aimons l’engagement simultané dans plusieurs domaines : la connaissance des océans, la protection des milieux naturels, de la faune et de la flore. 

Nous voulons contribuer aux efforts de la Fondation pour l’aider à fédérer autour des projets qu’elle soutient le plus grand nombre d’acteurs venant d’univers différents : du secteur public, du monde des entreprises, mais aussi du monde de l’enseignement et de la recherche.

La mer, un espace à préserver

Les océans représentent plus de 70 % de la surface du globe et une majeure partie de la biodiversité. Les valeurs que j’y associe sont engagement, respect, humilité. La mer pour moi c’est la nature, l’aventure. Seul ou en équipage réduit sur un océan, on prend la dimension de la force et de la fragilité de la planète, et les questions de climat ou de biodiversité prennent tout leur sens.

Personnellement je suis sensible en particulier aux questions de biodiversité. Et ce que fait la Fondation de la Mer dans ce domaine est très intéressant. La Transquadra nous emmènera en Martinique, là où justement la Fondation de la Mer travaille sur un projet de réhabilitation de certaines espèces de coraux.

Le Fondation de la Mer à terre, en attendant la deuxième étape